La place de l'allaitement en France
Ne pourrait-on pas, une fois, changer de regard sur ce que représente le sein dans notre société, un objet érotique pour les uns, un symbole féministe pour les autres, une partie intime à ne pas "donner" à son bébé ?
Ne pourrait-on pas se renseigner un tant soi peu , observer les bambins, les enfants, les mamans sous d'autres contrées ? Sans regard condescendant, mais avec bienveillance et les yeux bien ouverts aussi, pour voir que des enfants qui marchent, courent, parlent, grimpent aux murs ou sur les rochers, aux abres viennent téter ce sein tant aimé lorsque l'envie s'en fait sentir...voir que tout le monde autour trouve cela normal.
Aurais-je pu ne pas cesser de te laisser venir au sein, soulevant mon pull doucement et me regardant de tes petits yeux malicieux (ou suppliants) dans un lieu public alors que tu n'avais même pas 3 ans ?
Pourrais-je avoir la chance de ne pas avoir à t'expliquer que ce que l'on fait est beau, normal et agréable, qu'il n'est pas interdit d'allaiter un enfant de 5 ans mais que dehors, dans les magasins ou dans les parcs, les gens ne comprendraient pas ?
Ne pourrais-je pas vivre dans une société où je n'aurais pas à te dire que dehors, ton allaitement, 'c'est notre secret" ? Que ce que l'on partage toi et moi est merveilleux, et que c'est encore plus beau sans remarques des gens ?
Comme j'aimerais me réveiller en Mongolie, dans les terres de Gengis Khan, rejoindre la famille mongole ou namibienne du film "Bébé", ou celle de Rdv en Terre Inconnue et montrer que moi aussi, européenne, blanche aux yeux bleux, j'allaite mon enfant de + d'un mètre ! Que cela ne l'a pas empêchée d'être malade ni allergique, mais que je lui ai transmis le meilleur, que je suis fière et si heureuse de ce parcours, allant à contre-courant de toute la société, des penseurs, des psychologues, (mention spéciale à Agnès Vigouroux qui a pris position pour l'allaitement long dans son livre au titre évocateur " l'allaitement long expliqué à mon psy...") des médecins et autres mères et pères ?
Comme j'ai rêvé souvent, que notre allaitement soit "la norme", qu'il soit non seulement accueilli avec bienveillance mais également logique, valorisé !
Alors pour compenser, dans cette société qui est la mienne, je suis totalement ouverte et tolérante, mais "lactiviste", je fais connaître à ma façon l'allaitement, j'en parle, je montre, j'ai écrit plein d'articles sur ma vie de maman allaitante. J'en parle pour de vrai à toutes les mamans qui me posent des questions, qui me font part de leurs difficultés, leurs joies. J'en parle virtuellement sur ma page facebook, par échanges privés aux mamans qui là encore m'interrogent et veulent échanger avec moi.
J'ai participé à de nombreuses réunions d'information et d'échanges sur l'allaitement.
Maintenant, j'organise moi aussi de telles réunions. L'allaitement fait partie intégrante de ma vie.
Le sevrage naturel
Les gens d'ici ne connaissent pas le sevrage naturel, ce que cela implique, comment cela se déroule. Le sevrage naturel, c'est allaiter un enfant qui n'est plus un bébé ni même un bambin. C'est se mettre d'accord pour un allaitement "à l'amiable" (ça, c'est souvent dès l'âge d'un an environ). C'est un enfant qui pourra téter tous les jours seulement quelques secondes. Ou bien ne pas téter durant plusieurs jours, voire une semaine, voire + ! (exemple de l'enfant qui part en vacances, des enfants en garde alternée etc) et y revenir, d'un coup. Pas forcément de façon goulue. Choisir la voie du sevrage naturel, c'est d'abord accepter que c'est l'enfant qui décidera quand il voudra arrêter. C'est ensuite se dire que plus il grandira, moins on saura à quelle fréquence il voudra téter. Et ce n'est pas grave, en tant que tel. Puisqu'on n'est pas obligée, en tant que mère, d'accepter à chaque fois, ni en tout endroit. On peut poser ses règles, les expliquer à son enfant. Et ce n'est pas grave non plus puisque ce que vous souhaitez, en tant que maman, c'est que votre enfant se détache du sein, lorsqu'il sera prêt. Votre enfant vit sa vie d'enfant, joue, parle, court, va à l'école (ou pas), apprend des tas de choses, explore son monde, est curieux. C'est juste que lorsqu'il doit boire du lait, et/ou a soif, il boit à la source. Le lait maternel, fait pour lui. C'est aussi simple que ça.
Ce qui est "long" est finalement très court
L'allaitement au-delà de 6 mois est déjà minoritaire dans notre société. A 9 mois, 1 an, on peut commencer à entendre de fortes remarques, voire de la désapprobation. Je ne vous dis même pas ce que l'on peut entendre à 2 ans, et au-delà....Et bien au-delà, la plupart des gens n'imaginent même pas que vous puissiez encore allaiter votre enfant, en fait ! D'un côté, c'est très arrangeant. De l'autre, ce n'est pas en se cachant que l'on fera évoluer les mentalités et que l'on normalisera l'allaitement non-raccourci.
Si je cache tes yeux aujourd'hui, ma douce sur les photos, c'est parce que sur 1000 personnes émerveillées, il y en aura au moins une qui sera "choquée" et il est hors de question que tu en fasses les frais. Mon désir de normaliser l'allaitement ne doit pas se faire à tes dépends. C'est triste mais c'est comme ça. C'est aussi pour cela que je n'ai plus écrit de récit depuis….longtemps.
Si je cache tes yeux aujourd'hui, ma douce sur les photos, c'est parce que sur 1000 personnes émerveillées, il y en aura au moins une qui sera "choquée" et il est hors de question que tu en fasses les frais. Mon désir de normaliser l'allaitement ne doit pas se faire à tes dépends. C'est triste mais c'est comme ça. C'est aussi pour cela que je n'ai plus écrit de récit depuis….longtemps.
Heureusement, de tout cela, ce qui compte c'est toi et moi. Et Papa bien sûr, qui est d'accord, mais est-ce utile de le dire...? Oui peut-être..justement, dans notre société où le sein est d'abord vu comme "appartenant au mari " (fonction érotique) avant d'être au bébé (fonction nourricière)..quand il ne doit pas être qu'à soi-même.
T'allaiter : toute une communication, un dialogue entre nous
Il y a toi et tes grandes jambes, sur lesquelles tu es solidement perchée lorsque tu "m'attrapes" dans le couloir, le matin quand je me lève après toi par exemple. Tes jambes sur lesquelles tu te hisses pour téter sans que je n'aie trop à me baisser lorsque l'on prend notre douche ensemble et que tu es littéralement en train de saliver. (D'ailleurs j'ai quelques photos qui pourraient rivaliser sans rougir avec celle du Time qui avait fait scandale il y a quelques années. Je me demande si je les publierai un jour. D'un côté j'ai très envie, de l'autre…)
Il y a toi et tes grands yeux, qui plongent dans les miens (ou bien est-ce l'inverse) lorsque tu bois, heureuse, calme. Toi, tu ne dis rien parce que tu as mon sein dans ta bouche. Mais moi je ne dis rien non plus. Car nos regards suffisent. Tes yeux plantés dans les miens, nos regards profonds. Tes yeux qui disent tant, les miens aussi. L'amour, immense. Le plaisir. La gratitude. La complicité. La sensation de vivre quelque chose de privilégié, réservé à très peu d'enfants (et de mamans). La gratitude d'avoir cette chance-là.
Tes grands yeux qui se sont rarement fermés depuis la naissance lors des tétées, car tu ne t'endormais presque jamais.
Tes grands yeux qui montrent aussi quelque chose d'évident : ta détermination.
Tu aimes trop ces moments-là, tu aimes trop le sein pour arrêter, là comme ça, "parce qu'il faudrait". Parce que les autres bambins l'ont fait depuis longtemps, depuis bébé même généralement. Tu ne comprends même pas cette notion au conditionnel.
il y a toi et tes grands mains, qui se glissent doucement sous mon pull. L'une ou les deux, allant jusqu'à l'objet rond, doux et convoité. Tes mains qui ont bien sûr appris à demander, à attendre, à reconnaître un refus, à entendre un "pas maintenant ma chérie". Tes mains qui parfois se jettent sur mon t-shirt et le soulèvent en un éclair, dévoilant tout mon ventre et mon soutien-gorge. Jamais dehors bien sûr, ni quand je n'aime pas. Justement, tu es bien assez grande pour avoir compris depuis longtemps que je ne suis pas à ta disposition.
Toi et tes grandes mains qui encerclent le sein que tu bois, comme pour bien le tenir au cas où il s'échapperait. Pour appuyer et aider à faire sortir le lait, parfois.
Mais ce que je préfère par-dessus tout, c'est lorsque, t'endormant contre moi, tu poses ta tête sur mon sein et ta main sur l'autre. Ainsi tu es rassurée, tu redeviens bébé, tu sais que "tes bijoux" sont là, tu es heureuse, je te sens radieuse.
Enfin, il y a toi et ton coeur, qui se gorge et se remplit de ces moments-là, tous ces souvenirs que tu auras la chance de conserver puisque justement tu es grande et je t'allaite encore. "Je t'allaite toujours".
J'ai suivi le mien, de coeur, pour vivre cette aventure-là, nous offrir ces moments, cette relation unique.. Nous sommes heureuses, toi et moi, joyeuses, savourant un cadeau de la vie.
J'ai toujours dit qu'"allaiter, c'était bien plus que nourrir" et ces 5 belles années, 1825 jours et encore plus que ça, ne font que me le confirmer.
un jour prochain je calculerai exactement ma durée d'allaitement. <3 on dépasse largement les 4000 jours...
un jour prochain je calculerai exactement ma durée d'allaitement. <3 on dépasse largement les 4000 jours...
L'allaitement, universel
En 3 enfants, 3 allaitements longs, j'ai allaité à peu près partout. Des glauques toilettes lambda au restaurant portugais bondé d'hommes qui me regardaient estomaqués, des marches d'escalier à la plage de sable, du trottoir sous la canicule àu marché porté en filet Tonga, du champ dans la montagne à 1900 m d'altitude dans l'herbe au sol d'un bord de canal, moi allongée et toi sur moi, du milieu de la rue à cause de la canicule encore à la réunion professionnelle où je n'avais pas d'autre choix que d'emmener ma fille, de la grotte au repas de famille, du mariage au Portugal (encore !) à la chambre d'hôtel à 3h du matin, d'un matelas posé au sol à la chambre d'amis pendant les vacances, de la station service ou l'aire de repos d'autoroute à la douche de la maison, où je n'ai pas le temps de me rhabiller, du garage paumé en Espagne au bitume où l'on attendait la réparation de la voiture, de ma chambre d'hôpital au RAM au milieu des ass mat, du bord de rivière assise sur l'herbe à l'hôpital où j'ai béni, béni de t'allaiter "encore", te permettant de te rétablir plus rapidement ET de te consoler, t'apporter un repère, apaiser tes douleurs et tes angoisses. Et dans tous les moyens de portage, écharpe sling mei-tai préformé podeagi tube..
Il y a sûrement d'autres endroits encore, c'est certain, là je n'y pense pas. Mais c'est merveilleux, et tellement pratique, tout simplement. Combien de fois n'ai-je eu que mon lait pour te désaltérer ??!