Je ne respire plus
J'oublie de respirer
Je suis happée
Depuis le début de l'année, une surcharge de travail importante s'est imposée dans ma vie. Un choix, mais un poids bien lourd à gérer. "C'est l'histoire de quelques mois". Ce sera l'histoire d'une année.
C'est l'histoire de chaque jour. Chaque jour à devoir choisir
Arbitrer
Renoncer
Culpabiliser
CULPABILISER !
S'épuiser……
Lorsque j'écris pendant des heures, je suis fatiguée mais satisfaite du résultat produit. Satisfaite d'avancer. Et puis je réalise que le repas de midi n'est pas prêt, et celui du soir encore moins. Et que je ne sais pas quand je pourrai les préparer. Alors parfois certains midis je sors une boîte de conserves. Et j'entends chaque fois une petite voix d'une lectrice qui me dit "pouah, je sais pas comment comment tu fais pour faire manger un truc comme ça ! Moi, je ne pourrais pas". Toi, tu n'es pas à ma place et tu ne sais pas ce que je vis et comment j'essaie juste de ne pas couler.
Ne pas couler, c'est le mot.
Au bord du précipice, tout au bord
Ou bien déjà au fond du torrent
Je ne sais pas où je suis, je ne sais plus. Je crois que je navigue entre ces deux endroits si dangereux et redoutables l'un que l'autre.
Je suis une mère épuisée. Une mère qui n'arrive plus à avancer.
Demain, je vois un grand docteur, qui va décider de mon sort
Suis-je assez mal en point pour qu'il m'aide avec des séances chez le psy
Ou bien va-t-il considérer que mes séances de méditation maison suffiront à me retaper ?
Comment peut-il savoir
Que sait-il de mes idées noires….?
Je passe toute la journée avec mimi Koala, et je ne prends pas 10 minutes pour jouer avec elle, ces temps-ci. Je ne fais même pas exprès : je n'y pense pas. Je n'y pense plus, car mon cerveau est en train de cramer.
Je ne dors pas la nuit. ou bien très mal. Très peu. Beaucoup de réveils, beaucoup de cauchemars. C'est l'inconscient qui s'exprime et qui ressort tout ce malaise.
Mon corps aussi parle. Je l'écoute maintenant. Je l'écoute depuis 2 ans, 2 ans que j'ai explosé en plein vol, et que j'ai (re) pris conscience qu'il existait et qu'il était plus intelligent que mon cerveau et moi réunis.
Ce corps que j'ai ménagé, appris à écouter, respecter, faire passer en premier. Mais ce corps que je sollicite trop depuis quelques semaines et qui est en train de tirer la sonnette d'alarme. Mes pensées se déglinguent. Mes yeux sont lourds, ma tête aussi. Je parviens difficilement à remettre mes idées dans l'ordre, et même tout simplement à en avoir, des idées. Mon corps qui se tend comme un arc. Malgré la relaxation, (bi)quotidienne, malgré la respiration abdominale, à 2, 3 ou 4 temps.
Parfois, je suis tellement stressée que j'oublie de respirer. Je me rends compte au bout d'un moment que je suis en apnée.
Les palpitations sont revenues. N'importe quand elles surviennent, même dans de rares moments où je me détends vraiment.
Mon dos, mon dos est mon engin de torture à moi. Fabrication toute personnelle, il est le baromètre de comment je vais dans la vie.
Et à sentir les douleurs qu'il m'inflige, je peux vous assurer que cela ne va pas bien dans ma vie.
Précipice ou torrent, je marche tout au bord un long moment
Puis tombe magistralement
Je tombe dans le torrent et essaie de contrer le courant
Il faudrait lâcher prise
Lâcher prise, le travail de ma vie
Eckart Tolle est mon ami mais je n'ai pas encore réussi
Lorsque je veux cuisiner pour que mes enfants soient en bonne santé, une fois terminé et qu'une autre tache m'appelle, je vois les taches sur le carrelage. Les moutons contre les murs du couloir. Il faudrait un bon coup d'aspirateur. Mais je n'ai pas le temps, il est temps d'aller chercher l'une à l'école, ou l'autre au collège/lycée.
Chaque matin je me consacre au linge. Sortir le linge de la machine, l'étendre. Non, je n'ai pas le temps, là tout de suite. Il FAUT que je travaille. A un moment, parfois à 21h seulement, je l'étendrai, ce linge lavé. Je regarde la pile de linge sec qui s'entasse, qui s'entasse. Elle tient bien, cette pyramide. Les enfants ont beaucoup de linge propre dans leur placard, apparemment. Tant mieux. Je n'ai pas la force. Ni de faire, ni de réclamer, jour après jour, qu'ils fassent leur part.
Où que je tourne la tête, il y a et aura toujours quelque chose à faire, à améliorer.
Aujourd'hui, j'ai pris mon courage à deux mains et réussi à téléphoner. Un médecin, puis un autre. Une radio, un Rv ostéo. Pour les enfants, j'y arrive encore, même s'il me faut du temps. Pour moi…. pour moi c'est le désespoir. Il y a cette échographie à réaliser pour confirmer un diagnostic, cette échographie pour laquelle je ne parviens pas à téléphoner. Il y a ma kiné, qui doit soigner un problème revenu qui me crispe toute une partie du corps, souvent brutalement.
J'ai fait un énorme tri dans ma vie, j'ai annulé, supprimé, priorisé. J'ai appris à écouter mon corps et à le faire passer en premier.
Mais mon mental, ce fichu mental, (re)prend un pouvoir fou en ce moment. Il m'empêche de me relâcher, de me concentrer, de "ne penser à rien". C'est un bout de titane, incassable, qui veut absolument gagner la partie, CETTE partie 2019. Ce mental ne veut pas que je dorme. Me fait partir à d'autres endroits lorsque je médite et souhaite juste ressentir ma respiration, mon corps. Une nécessité presque vitale, cette pratique méditative.
Et l'hypnose, que je fais même à l'hôpital maintenant, tellement ça ne va pas.
Je crois que je peux dire presque sans exagérer que je suis une cause presque désespérée.
Mental contre corps, qui va gagner la bataille …..
Précipice, je marche souvent sur les bords de tes pierres, de ta terre, je glisse, et me retiens. Me retiens ...A quoi ? Au sel de la vie
A sa petite main dans la mienne chaque matin sur le trajet de l'école
A ses bisous et ses câlins
Aux sourires complices de ma grande fille et ses attentions délicates
A mon Grand Fiston qui a besoin de moi mais ne sait comment l'exprimer
A ce soir où ma belle s'est endormie lovée au creux de moi. Deux siamoises collées, statue d'amour et de fusion.
Aux soirs de cododo.
A tous ces matins en réveil avec Aldebert. Pour lui faire plaisir et parce que j'adore aussi
A mon Grand qui a encore besoin, à 14 ans, de jouer avec son père chaque soir pour remplir son réservoir affectif
A mon homme qui fait tout ce qu'il peut pour réussir à vivre les différents rôles de sa vie
A mon corps qui change et que je vais peut-être finir par trouver beau
Aux yeux de mes enfants, semblables aux miens. Magnifiques, je dirais, si personne n'y voyait un signe d'orgueil.
Aux souvenirs de chaque naissance et à ma vie bouleversée à jamais
Précipice, j'étais trop au bord, il y a eu un souffle de trop, une imprudence, une inattention. J'ai fermé les yeux et je suis tombée dans le torrent.
Je suis dans le torrent et je me noie. Je me noie, vraiment. J'agite les jambes pour remonter, pour sortir la tête, pour lever les bras. Je bouge pour rester à la surface. Pour que ma tête reste dehors, pour continuer à respirer. Mais combien de temps vais-je y arriver ?
Qui va venir à mon secours ? Est-ce que quelqu'un attrapera ma main et m'aidera à sortir ? Comment sortir du torrent, du tourment, du courant qui nous emporte et nous fait nous noyer ?
Je suis happée, je ne peux plus respirer, j'ai le souffle coupé, tout est bloqué. Respiration, pensées, muscles, corps tout entier. Je vais vraiment me noyer. Je ne veux pas, je sais nager, mais je n'y arrive pas. Tout va trop vite, tout est trop fort, tout est raté, pourri.
Mère indigne, mère nulle. Je ne fais pas à manger, je ne prends pas le temps de jouer, le soir je suis épuisée. Mère indigne, mes enfants méritent tellement mieux que cette maman qui oublie tout, les RV, les papiers, les inscriptions, qui a toujours mal dans son corps et qui ne sait même pas correctement gagner sa vie. Une maman en dépression, une maman malade.
J'aurais tellement voulu assurer. Leur donner le meilleur. Je voudrais éclater de rire, sauter de joie, je voudrais faire tourner ma fille en regardant au fond de ses yeux, de son âme. Dire que la vie est belle et que tout est simple, qu'il suffit de le vouloir.
Je connais tous les petits plaisirs simples de la vie et ce sont ceux que j'aime le plus au monde, et les seuls que l'on ait.
Mais je ne suis plus jamais sur la terre ferme, loin du bord et loin de l'eau. Je suis toujours au bord du précipice, ou au fond du trou, happée par l'eau.
Dévalorisation, je connais ça par cœur. je connais le concept, je l'ai tant de fois expliqué et présenté. Mais c'est en moi. Mes enfants méritent tellement mieux que moi. Je suis de pire en pire, à tout rater, à les priver, à leur dire non, à aller me coucher, à me retirer.
Il y a bien longtemps que je suis incapable de dire quel est le rêve que j'ai. Ma fille m'a demandé "quel est ton rêve, maman ?" : je ne sais même plus. Je cherche, je fouille...Rien. Rien ne vient.