"c'est d'la crotte"

Grande Fille fait de la gymnastique. Dans un club. Elle aime ça. Elle est plutôt douée. Elle prend du plaisir, elle ne se prend pas la tête, elle s'applique. C'est une élève assidue et consciencieuse.

Je pourrais l'écrire à l'imparfait, car cette année, elle n'a pas vraiment vécu les choses de la même façon.

Petit rembobinage.

L'an dernier, fini première de son club, sans l'avoir cherché, sans qu'on s'en doute particulièrement non plus.

De septembre à décembre, grosso modo, l'entraineuse l'a laissée tranquille, comme les autres filles.

Mais en janvier l'échéance de la compétition est arrivée (les compet' ont lieu en mai), et ce jour là, tout a changé.

Du jour au lendemain, les filles ont commencé à sentir un stress incroyable sur les épaules, pression même pas voilée des prof pour "faire mieux", faire bien, ...

Alors Grande Fille a commencé à partir chaque mercredi en me disant "j'aime pas les barres", "j'espère que ce sera pas Y (nom de sa prof) aux barres", etc... A revenir chaque mercredi de son cours en faisant la moue. A me dire qu'elle voulait arrêter la gym. 

Parce que désormais tout ce que lui disait sa prof pour la motiver, c'était la phrase suivante : " c'est d'la crotte" (ce que tu as fait). Sortie de son contexte, cette phrase ferait presque rire. Oui, elle ferait rire des petits de maternelle, et même ma Grande fille de 9 ans. 

Mais cours après cours, après chaque enroulé raté, après une jambe tremblante, croyez-moi ça ne la faisait pas rire du tout.

"C'est d'la crotte, je vais être obligée de te changer d'équipe, je me demande ce que tu fais là...".. je vous épargne certains propos.

Grande Fille, habituée à faire de la gym par plaisir, a complètement viré de bord, s'est affaissée, a douté, a commencé à détester..

Alors vous allez me dire, "c'est comme ça qu'on entraine les enfants !" "C'est ça, le milieu du sport !" . Peut-être. Mais alors, ce n'est pas pour elle, ce n'est pas pour moi.

Habituées que nous sommes à avoir une approche positive dans nos relations, notre communication, il est pour nous impossible, émotionnellement parlant, d'accepter cette façon de faire. La critique comme motivation !

Je te critique, je te critique tellement que tu vas changer de comportement pour que je ne te critique plus !

Et bien non !

Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé avec Grande Fille, bien entendu. Tout ce que cela a fait a été de la bloquer, lui faire perdre confiance, la démotiver. Oui c'est vrai, elle n'a plus eu envie de s'appliquer, plus eu envie de se dépasser puisqu'elle était persuadée qu'elle n'en était plus capable. Impossible de passer un enroulé pendant plusieurs semaines. Une fille complètement fermée.

Un jour à la fin du cours (un mois avant la compét" environ) la prof est venue me dire que ma Grande Fille était capable de bien mieux. Qu'elle allait la changer d'équipe (la rétrograder) si elle ne se reprenait pas.

J'ai saisi cette perche énoooorme pour expliquer à la prof que Grande Fille n'arrivait plus à avancer, prise sous le flot des critiques. Qu'un compliment de temps en temps (à défaut d'inverser totalement la tendance et de ne souligner que les choses positives - je ne rêve pas non plus je savais à qui je parlais) l'aiderait sûrement à se décoincer et la motiverait bien mieux.

La prof n'a pas compris, et m'a dit, à titre d'argument indiscutable (à ses yeux) qu'elle était comme ça aussi avec ses enfants et qu'elle n'allait donc pas faire différemment à la gym !

Même si cela n'a rien changé, ça a fait du bien à Grande Fille que je verbalise les choses avec sa prof.

A moi aussi. Je me dis que peut-être, au fond quelque part, j'ai semé une graine, une graine qui germera un jour. je vois les choses comme ça en matière de parentalité bienveillante, de communication respectueuse. Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas entendue/comprise un jour que vous ne le serez jamais.

Je ne pense pas que la critique systématique pousse un enfant à donner le meilleur de lui-même. Ou alors, il va y parvenir, parce qu'il n'aura pas le choix, mais en y laissant beaucoup de confiance en lui, de bien-être au passage !

Ce n'est pas en tapant sur quelqu'un (au sens figuré en l’occurrence) que vous allez le motiver, non ! Vous allez juste lui faire penser qu'il est incapable, nul, voire "mauvais". vous allez juste le déprécier, pas le valoriser ni le motiver !

Imaginez le même discours, la même façon d'être transposée à votre conjoint. Est-ce que c'est en critiquant votre mari parce qu'il n'a pas fait ci, ou mal fait ça, que vous allez lui donner envie de faire autrement ? Non, bien sûr que non, vous allez juste l'exaspérer jusqu'au moment où il enverra tout balader.

Si par contre vous lui dites "j'aime quand tu fais ceci", "ça me fait plaisir quand je vois tes chaussettes dans le placard/la panière" il y a de fortes chances pour que la fois suivante il le refasse...

C'est la base de la communication , je trouve. Souligner les "bons " comportements est le meilleur moyen de les voir se reproduire plus souvent.

Je n'aime pas quand Grand Fiston ne met pas son linge sale dans la panière. Mais j'aime quand il y pense ou range sa chambre à fond sans que je lui ai rien demandé, et je lui dis.

Pour finir mon histoire, 3 jours après la compétition il y a eu entrainement... la pression s'était un peu relâchée (la seconde compet' ayant lieu un mois plus tard seulement)... Grande Fille est montée sur sa barre et a fait ses enroulés fingers-in-ze-nose. Ces fichus enroulés qu'elle ne passait pas depuis 6 mois. 

Cela me fait penser au contexte de classe et l'attitude -déterminante- de l'enseignant avec son élève. Je vous en parlerai dans un autre billet (je voulais le faire aujourd'hui mais vu la longueur de mon billet je suis obligée de prévoir ça dans un autre !). Beaucoup de choses aberrantes -décourageantes -vues cette année en classe (Grande Fille, toujours !) et plusieurs lectures reprenant mes pensées et mes impressions. Je vous en r'parle très vite.

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